Décembre 2000 - Un week-end en Israël

drapeau-Israel

Mi-décembre 2000, je décide d’aller passer deux ou trois jours en Jordanie pour faire un break après une période un peu stressante. À l’époque, il n’y a pas encore de moteur de recherche de billets d’avion sur Internet et j’ai dû passer par une agence de voyages. Pas de chance, il n’y a plus aucune place disponible, mais on me propose un vol pour Israël.

Tiens, pourquoi pas, après tout ? Je n’ai jamais été très attiré par ce pays mais l’occasion fait le larron…

Le dimanche matin me voilà donc dans la salle d’embarquement à Roissy. Alors que je me place dans la file d’attente, deux types en blazer me font signe de les rejoindre. La sécurité israélienne. Ah bon ? Ils ont tous les droits ? Dommage qu’on soit dimanche. J’aurais fait demi-tour illico et la nana de l’agence aurait eu droit à un savon.

Où est-ce que je vais ? Ça me semble pourtant évident au moment où je m'apprête à embarquer sur un vol direct pour Tel-Aviv. Pourquoi est-ce que je suis seul ? Comment ai-je payé mon billet d’avion ? Qu’est-ce que je vais faire là-bas ? Ça dure comme ça pendant 40 minutes. Heureusement, l’embarquement ne fait que commencer et je ne risque pas trop de manquer mon vol. Les autres passagers me regardent en coin comme un pestiféré.

Quand j’explique que c’est ma femme qui a pris le billet d’avion pour moi, que c’est elle qui a effectué le règlement et que, forcément, je ne sais pas si elle a payé par chèque ou par carte bleue, etc., je leurs parais éminemment suspect. Comment se fait-il qu’elle ne m’accompagne pas ? (C’est obligatoire ?) Et vas-y que je te repose les mêmes questions dans un ordre différent. Heureusement qu’il fait jour, je les imagine déjà me braquant la lampe de bureau dans la figure… « Allez, on reprend tout depuis le début… »

Qui dit interrogatoire dit fouille. Au moins, ils sont soigneux, ce qui n’est pas si courant. Ils prennent bien soin de replier mes sous-vêtements. À la fin c’est mieux rangé qu’avant la fouille. La prochaine fois que j’aurai à préparer mon sac de voyage, je saurai où m’adresser. Évidemment, quand ils tombent sur le caméscope, j’ai droit à un nouveau froncement de sourcils. Ils décident de me le confisquer jusqu’à mon retour. Quoi ????? Comment ça ?! J’ai beau ouvrir l’appareil, filmer la salle d’embarquement pour leur montrer qu’il ne va pas exploser, ils ne veulent rien savoir. Le plus énervant, c’est qu’ils restent parfaitement courtois mais fermes : hors de question d’emporter un caméscope en Israël. Pourtant, si j’étais terroriste, je doute fort que je partirais seul. Je me fondrais plutôt dans un groupe de touristes partant en voyage organisé, non ? Non. Ils ne prennent aucun risque. Ils me confisquent donc le caméscope en m’expliquant que je pourrai le récupérer à mon retour. À cette époque, les caméscopes numériques ne sont pas encore très répandus et je dois dire qu’ils en prennent le plus grand soin. Ach, très korrekts, les occupants.

C’est donc bien à cran et sans caméscope que j’embarque. Comme je suis le dernier à monter à bord et que je suis assis au fond de l'avion, j'ai droit à quelques dizaines de regards soupçonneux. J’aurais peut-être dû retourner en Turquie ou en Égypte, comme je l’ai d’abord envisagé en apprenant qu’il n’y avait plus de place pour la Jordanie.

Le vol se déroule sans histoire. Des jeunes vont rendre visite à leur famille. Apparemment c’est la première fois qu’ils se rendent là-bas. Leur conversation roule un moment sur la religion, semble-t-il. Une fille s’échauffe contre un mec portant la kippa : « Je m’en fous, moi, du judaïsme »…

Et moi donc ! J’avais oublié ça. Le guêpier israélien. En plus, je vais à Jérusalem !

Nous débarquons à l’aéroport Ben Gourion dans le milieu de l’après-midi. La douane. C’est reparti pour un tour. Un ou deux filtrages avant d’arriver au guichet où on tamponne le passeport. Je demande à ce qu’on me délivre le visa sur une feuille séparée, pas sur le passeport, parce que je peux être amené à me rendre dans un pays arabe. Pas de problème, ils sont habitués. De surcroît, je tombe sur une charmante douanière qui, en voyant ma date de naissance, me souhaite un bon anniversaire. Ça change agréablement des agents de Roissy.

Enfin je peux aller boire un café avant de chercher un taxi ! Eh bien non. Hé là, mon gaillard, vous pensiez vous en tirer comme ça ? J’ai à peine parcouru cinq mètres dans le hall qu’un militaire se plante devant moi et me demande mon passeport. Je ne sais plus si je dois éclater de rire ou pleurer. Bien entendu, il est très courtois, mais veut quand même savoir d’où je viens, où je vais, nanani nanana…

Quand je sors enfin du hall pour chercher un taxi, j’ai encore le passeport à la main. Je m’attends à devoir justifier ma présence ici tous les dix mètres.

C’est l’heure où commencent les embouteillages. De Tel-Aviv je ne vois pas grand-chose. Nous empruntons la quatre-voies qui serpente dans les collines en direction de Jérusalem. La plupart sont coiffées de constructions cubiques en pierres blanches anonymes. Le taxi me dépose à côté de l'hôtel du Roi David, dans la ville neuve. La vieille ville entourée de ses remparts se dresse sur une butte légèrement en contrebas. Je me dirige vers la porte de Jaffa, où je sais trouver un petit hôtel pour routards.

C’est effectivement le genre d’endroit auquel je m’attendais. Une grande salle au premier étage, avec des chambres tout autour. Ça évoque immanquablement un ancien monastère. Au moins c’est convivial. Les clients sont des routards de toutes nationalités et de tous âges. Je m’apprête à fêter mes 46 ans, mais je ne suis pas le plus âgé, même si la plupart ont la trentaine.

Après avoir déposé mon sac et pris une douche, je sors faire un tour avant la tombée de la nuit. Je suis aussitôt frappé par le nombre de gens en armes. Pourtant, à cette époque, la première intifada date un peu et la suivante n’éclatera que dans quelques années. Il règne donc une paix relative dans le pays. Des soldats, mitraillette en bandoulière. Des miliciens, mitraillette en bandoulière. Des flics, armés aussi. Des bandes de jeunes en kaki, dont on m’expliquera qu’ils s’apprêtent à aller sous les drapeaux et passent auparavant quelques jours ensemble, histoire de faire connaissance. Si je comprends bien, Tsahal rime avec convivial !

Il faisait beau et assez doux quand nous avons atterri à Tel Aviv, mais le soleil se couche et il commence à faire frais. Après un petit tour de reconnaissance dans les rues couvertes du bazar autour de l’hôtel, je rentre me mettre au chaud. Après dîner, je discute un moment avec un autre Français, venu comme moi passer quelques jours. C’est la troisième fois qu’il vient et le récit de mes déboires le fait beaucoup rire.

La journée du lendemain, je la passe à découvrir la vieille ville. Jésus, Marie, Joseph ! Me voici à Jérusalem ! Tout un poème. Tout compte fait, je ne suis pas mécontent d’être venu. Forcément, quand on a dû se coltiner le catéchisme et la messe chaque semaine pendant toute son enfance, ça laisse des traces.

C’est tout de même une ville très curieuse. Les trois grandes religions monothéistes s’y côtoient et ce n’est pas rien. Le quartier où je me trouve est à prédominance palestinien et donc musulman. C’est aussi celui que je trouve de loin le plus chaleureux. On se perd volontiers dans le dédale de ruelles couvertes du marché, où les gargotes proposant thé et kebabs alternent avec les épiceries et les boutiques de tapis ou de souvenirs. On est bien au Moyen Orient. En entrant quelque part boire un thé, je marmonne un vague « salaam aleikum » ou je réponds « aleikum salaam » quand je n’ai pas été le premier à dégainer.

Plus bas, c’est le quartier juif et le Mur des Lamentations. Rien de spécial ce jour-là. Des gamins jouent sur la place en contrebas pendant que quelques croyants prient au pied du mur. Derrière le mur, la coupole dorée de la mosquée Al-Aqsa brille de tous ses feux dans le soleil du matin. Je compte aller la visiter, mais pas de chance : c’est l’heure de la prière et les non-croyants ne sont pas admis.

Je déambule jusqu’à la Porte de Damas, particulièrement impressionnante, avant de remonter vers la Via Dolorosa, autrement dit, le Chemin de Croix. Le point de départ, c’est une courette située à la Porte du Lion où Jésus s’est vu prononcer sa condamnation. Sur une dalle on devine encore un jeu du morpion, ou son ancêtre, gravé là par un soldat romain paraît-il. Je reste là quelques instants à méditer. Il y a belle lurette que je ne suis plus pratiquant, mais tout de même, ça ne me laisse pas indifférent. Après tout, voici 2000 ans que notre culture est imprégnée de christianisme et c’est dans ces rues que Jésus Christ a vécu. Et c’est à l’endroit où je me tiens que Ponce Pilate l’a condamné à mourir sur la croix. J’essaie d’imaginer la scène. Il y avait certainement beaucoup moins de constructions alentour. Y avait-il toute une foule ou bien seulement un petit groupe d’hommes ? Des soldats romains ? Qui étaient-ils au juste ? De vrais Romains ou des soldats recrutés dans la région ? Faisait-il beau ou le ciel était-il couvert ?

Je finis par sortir de ma rêverie pour suivre la Via Dolorosa. En fait, la plus grande partie est décalée de quelques mètres, le parcours d’origine étant occupé depuis quelques siècles par une rangée de maisons. Le quartier est à prédominance palestinien, mais on tombe çà et là sur une congrégation ou une école chrétienne. Au hasard d’un coup d’œil dans une ruelle, on aperçoit un prêtre en soutane pénétrant dans quelque vieille bâtisse. Curieux endroit. Une banderole au-dessus de la rue non loin du Saint‑Sépulcre signale une école catholique arabe. Je me demande si je vais aussi trouver une école juive syrienne ou je ne sais quoi, ou une école musulmane italienne, par exemple. Justement, l’église du Saint‑Sépulcre, j’en suis tout près. Euh, c’est quoi déjà, le Saint‑Sépulcre ? Ah oui, c’est là que Jésus a été enterré.

Dans l’édicule, petit édifice en marbre construit à l’intérieur la basilique, il fait très sombre. L’ambiance est au recueillement. Arrivé seul, je suis un croyant qui semble connaître les lieux. Comme lui, je pose mes lèvres sur le tombeau du christ en me demandant combien m’ont précédé ici. J’ai la curieuse sensation d’être tiraillé entre une certaine indifférence et une sorte de sentiment magique : je suis dans le saint des saints de la Chrétienté.

Après déjeuner, je décide de faire un tour au Mont des Oliviers. Il a plu à verse pendant la nuit et le bas du cimetière est inondé. Des pompes sont d’ailleurs en action pour chasser l’eau qui a envahi une chapelle à côté du pont de pierre. D’ici, la vue sur la vieille ville est magnifique, mais j’arrive un peu tard. Le soleil a tourné et… mais qu’est-ce que ça peut bien faire puisque mon caméscope est resté à Roissy ?

Le lendemain matin, je loue une voiture pour me rendre à Bethléem. À vol d’oiseau, c’est à huit kilomètres, une douzaine par la route. Il fait assez gris, ce matin-là, et il tombe quelques gouttes. Des constructions basses, gris sale, tout au long de la route. Pas vraiment l’image riante du Moyen Orient qu’on peut avoir en tête. On est plutôt dans un reportage sur le conflit israélo-palestinien. D’ailleurs je passe le checkpoint d’Hebron dont on a si souvent entendu parler aux actualités. Pas de contrôle ce matin-là. Pourtant, je suis maintenant rodé !

À Bethléem, je me gare à proximité de la place où se trouve la cathédrale construite à l'emplacement de la grotte de la Nativité. Quelques policiers palestiniens débonnaires tuent le temps en fumant. Ils viennent de recevoir leurs uniformes : la Palestine est sur le point de devenir indépendante. C’est du moins ce qu’on raconte. L’ambiance est plus chaleureuse qu’à Jérusalem. Je vais visiter la fameuse grotte. Au vu de ses dimensions, j’ai un peu du mal à imaginer comment on arrivait à caser la petite famille, les rois mages, l’âne et le bœuf, mais bon. C’est donc ici qu’Il est né. Après l’overdose de religion d’hier, ça me laisse un peu indifférent. Je peux faire une petite croix sur la liste des choses à voir. Bethléem, c’est fait…

En ressortant, j’achète une carte de téléphone palestinienne et des timbres palestiniens, souvenirs utiles et tout aussi authentiques que les bondieuseries des boutiques alentour.

Retour à Jérusalem et cap à l’est. Je vais aller jeter un coup d’œil à la Mer Morte. Ce n’est qu’à trente ou quarante kilomètres. La route traverse le désert de Judée. Et allez, encore un nom biblique. J’essaie de me souvenir. Un rapport avec la vie du christ ? Mmm, non, je ne vois pas. À quelques kilomètres, un campement de bédouins en contrebas de la route. Curieux pays tout de même. Il y a dix minutes à peine, je traversais des quartiers neufs, aux constructions cubiques anonymes, caricatures de modernisme, et maintenant je me retrouve presque aux temps bibliques. Des troupeaux de chèvres, quelques ânes et des gamins qui courent entre les tentes.

Dans un virage, une marque sur les rochers indique que nous sommes à trois cents mètres en dessous du niveau de la mer. Peu avant de déboucher dans la plaine à proximité de Jéricho, une autre signale que nous sommes à moins quatre cents mètres. Difficile à imaginer dans ce paysage désertique. La température est ici bien plus élevée qu’à Jérusalem et dépasse largement les vingt degrés.

J’oblique vers le sud pour suivre la route qui longe la Mer Morte. Le paysage est morne. Côté ouest, les collines sableuses du désert de Judée ; côté est, la Mer Morte et, sur l’autre rive, les collines sableuses de Jordanie. Je cherche un endroit pour m’arrêter au bord de l’eau. Manque de chance, un panneau indique que tout ce qui est à l’est de la route, autrement dit, l’étroite bande de terre qui me sépare de l’eau est zone militaire. C’est rageant. Ce n’est qu’à une centaine de mètres et on ne peut même pas y aller. Je poursuis ma route sur quelques kilomètres. Je tombe finalement sur un endroit ressemblant à un camping au bord de l’eau, non loin d’En Gedi. Partout, des panneaux indiquent qu’il faut faire extrêmement attention si on se baigne. Il faut commencer par s’asseoir dans l’eau puis se laisser flotter sur le dos, mais en faisant très attention à ce que l’eau ne pénètre pas dans les oreilles ou les yeux. Il faut également prendre soin de se rincer abondamment sous la douche en sortant. De fait, une famille est là et un courageux s’est risqué à faire la planche. C’est spectaculaire. En raison de la teneur extrêmement élevée en sel de l’eau, il flotte littéralement. Les autres prennent des photos. Tout le monde semble bien s’amuser. N’empêche, je ne suis guère tenté. Il suffit de tremper les doigts dans l’eau pour se rendre compte que c’est une véritable saumure.

Reprenant la route, j’arrive bientôt aux immenses marais salants qui ferment la Mer Morte au sud. Le soleil commence à décliner et je décide de rebrousser chemin après avoir ramassé un petit bloc de sel en guise de souvenir.

De retour à l’hôtel je fais la connaissance d’un type venu de l’Île de la Réunion pour assister à la messe de Noël à Bethléem. On sympathise. Je me souviens l’avoir vu à la télé il y a quelques années. Leader syndical lors des manifestations de l’automne 1991, il me raconte la situation des Réunionnais, leur amertume vis-à-vis des politiciens de la métropole. Une Hollandaise se mêle à notre conversation. Elle est accompagnatrice de voyages en Inde depuis un an ou deux, mais envisage de changer de pays. Finalement, on se donne rendez-vous tous les trois le lendemain matin pour aller faire un tour au Lac de Tibériade.

Cette fois, nous reprenons la route conduisant à la Mer Morte, mais nous remontons la vallée du Jourdain à partir de Jéricho. En y arrivant, nous constatons qu’il fait une dizaine de degrés de plus qu’à Jérusalem. Le Jourdain n’est qu’une rivière minuscule qui serpente entre les collines qui bordent la vallée. Je suis surpris d’y voir des manguiers de belle taille, mais à la réflexion, ce n’est pas si étonnant. Le climat leur est ici tout à fait favorable. D’ailleurs, le maraîchage est pratiqué dans toute la région. En voyant toutes ces collines autrefois désertiques couvertes de bandes vertes, on n’est pas surpris que le niveau de la Mer Morte baisse constamment, et pas seulement à cause de l’évaporation. On comprend aussi pourquoi Israël ne tient pas à restituer le plateau du Golan à la Syrie : c’est le château d’eau de la région. Toute l’eau qui irrigue les cultures est pompée dans le Jourdain.

Nous nous arrêtons déjeuner dans un centre commercial de Bet Se’an, à une vingtaine de kilomètres avant le Lac de Tibériade. C’est une petite ville anonyme avec ses constructions cubiques. Beaucoup de pickups et de véhicules agricoles. De toute évidence, tout le monde est maraîcher dans le coin.

Nous nous arrêtons un moment à Tiberias, au bord du lac. Bien qu’Israël soit un état minuscule, on se sent ici bien loin de Jérusalem et des tensions permanentes entre les différentes communautés. La verdure du paysage alentour aidant, on se croirait presque en villégiature en Suisse italienne. Nous empruntons la route qui fait le tour du lac. Ici et là, des terrains de camping. Toujours beaucoup de cultures maraîchères. Nous traversons une zone un peu plus verte au nord, là où le Jourdain descend du plateau du Golan.

De là, nous repartons vers l'ouest en direction de la côte. Nous décidons de nous arrêter à Nazareth. Encore un haut lieu de la chrétienté, puisque c’est ici qu’a vécu la Sainte Famille et que Joseph exerçait son métier de charpentier. C’est également ici que Marie a appris qu’elle allait enfanter. Nous visitons la basilique de l’Annonciation, inaugurée en 1964. Je ne la trouve pas belle à proprement parler parce que trop récente, mais elle mérite tout de même le détour.

Nazareth est la plus grande ville arabe d’Israël. Pour la première fois depuis que je suis arrivé, j’ai vraiment l’impression d’être au Moyen Orient. Le soleil commence à décliner et nous nous rendons compte qu’il est trop tard pour aller jusqu’à Jaffa. Dommage, il paraît que c’est très joli. La circulation se fait de plus en plus dense. Lorsque nous traversons Tel Aviv, la nuit est tombée. Ici, on est encore dans un autre monde. La capitale est une ville résolument moderne et très animée. Il nous faudra une bonne heure pour sortir des embouteillages et reprendre la route de Jérusalem.

Le lendemain matin, je restitue la voiture à l’agence de location avant de partir pour l’aéroport. Je partage le taxi avec un joailler d’Anvers venu rendre visite à sa famille. On se parle en néerlandais. Il s’amuse de mon accent hollandais et moi, de son accent flamand. Il faut dire qu’ici, c’est le paradis du linguiste. Ainsi, j’apprends que dix pour cent de la population parle français. À Jérusalem, j’ai aussi beaucoup entendu parler russe et arménien. À l’hôtel, le type qui tenait le bar était un Juif éthiopien...

À Ben Gourion, c’est reparti pour les fouilles et interrogatoires. Je me retrouve dans une salle avec quelques autres voyageurs solitaires. Nous avons droit à une nouvelle fouille. Les douaniers sont bien entendu très courtois, mais je ne suis pas mécontent quand je suis enfin assis dans l’avion.

Pendant le vol, je demande une bière à l’hôtesse et je suis effaré quand elle m’annonce que je dois payer quatre-vingts shekels. Comment ça? Ce n’est pas inclus ? Eh non, la compagnie est radine. Du coup, je dois faire toutes mes poches et je règle en trois monnaies différentes. Mes voisins rigolent. Les Juifs ont la réputation d’être près de leurs sous, alors forcément, quand un Chrétien rouspète parce qu'il doit payer, ça les fait marrer. Ils ont entamé la bouteille de vodka achetée au duty-free et dès que j’ai fini ma bière, ils s’empressent de remplir mon gobelet.

De retour à Roissy, il est trop tard pour récupérer mon caméscope. Quand je téléphone le lendemain, j’ai bien du mal à trouver le service qui doit me le restituer. Finalement, je parviens enfin à parler à la responsable, une dame charmante qui, chance inouïe, connaît bien la Sologne et mon village. Nous nous retrouvons à échanger des adresses de restaurant. Deuxième coup de chance, elle dîne le soir même avec le chef des agents de sécurité israéliens qui ont confisqué mon caméscope le jour du départ et me le fait dès le lendemain. Comme dans les aventures de Tintin, tout est bien qui finit bien.

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